Accès des personnes ayant une déficience visuelle à l’outil informatique

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Touche symbole déficience visuelle sur clavier

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  • Description : Comment une personne déficiente visuelle accède-t-elle au contenu d’un écran d’ordinateur ? Quelles sont les aides techniques spécifiques mises à sa disposition ? Où se situent les limites dans l’accessibilité d’un non ou malvoyant à l’ordinateur ?

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Par Christian Coudert et Jean-Pierre Carpanini, Centre d’Évaluation et de Recherche sur les Technologies pour Aveugles et Malvoyants de l’Association Valentin Haüy (CERTAM), Paris – France ( http://www.certam-avh.comhttp://www.avh.asso.fr/ )

L’informatique adaptée aux personnes aveugles ou malvoyantes recouvre un vaste domaine en fonction du degré du handicap visuel, des besoins spécifiques, des aptitudes de chaque utilisateur dans la manipulation des aides techniques, des conditions dans lesquelles elles sont utilisées (milieu professionnel ou cadre familial et personnel) et, naturellement, du budget à y consacrer.

Les « technologies d’assistance » à disposition des personnes aveugles ou malvoyantes regroupent aussi bien des appareils entièrement dédiés à leur usage que des systèmes constitués de périphériques matériels (hardware) et/ou logiciels (software) destinés à être utilisés sur ou avec un ordinateur standard.

Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons uniquement aux solutions qui rendent accessible aux personnes non ou malvoyantes l’utilisation de l’informatique, au sens le plus habituel du terme, à savoir l’ordinateur « de tout le monde » avec afficheur braille, synthèse vocale ou système d’agrandissement de caractères.

Nous ne traiterons donc pas des appareils exclusivement conçus à leur intention (machines à lire, bloc-notes braille, embosseuses / imprimantes braille, lecteurs audio dédiés, loupes électroniques et téléagrandisseurs…), bien que ces dispositifs soient largement répandus.

Nous n’aborderons pas davantage le secteur de la téléphonie mobile, bien que les frontières soient de plus en plus ténues entre les appareils qui émergent aujourd’hui et l’ordinateur traditionnel, tout en précisant que des lecteurs d’écran spécifiques existent et se comportent plus ou moins comme leurs « frères » sur ordinateur PC ou Mac.

Les personnes non ou malvoyantes utilisent le même ordinateur que les personnes valides, qu’il s’agisse d’un système compatible IBM PC ou d’un Apple Macintosh.

Elles se servent également du même clavier « azerty », qui ne pose aucun problème d’utilisation après quelques heures d’entraînement. Des didacticiels adaptés existent d’ailleurs pour faciliter l’apprentissage du clavier.

Cependant, en cas de réelle difficulté d’utilisation d’un clavier ordinaire, des solutions existent, permettant la cohabitation d’un lecteur d’écran avec sortie vocale et d’un logiciel de reconnaissance vocale.

Pour prendre connaissance du contenu affiché sur l’écran, un logiciel dit de lecture d’écran (appelé « revue d’écran » au Québec) doit être installé sur l’ordinateur. Il s’agit d’une interface spécifique destinée à piloter, selon la nature du handicap visuel, un synthétiseur vocal et/ou un système d’agrandissement de caractères.

Spécificités des outils informatiques dédiés aux personnes aveugles

Un système de lecture d’écran disposant d’un synthétiseur vocal a pour fonction de récupérer l’information textuelle transmise par le système d’exploitation et de la restituer vocalement à l’utilisateur au moyen des haut-parleurs ou d’écouteurs connectés à la carte son de l’ordinateur.

Il fait prononcer vocalement à la fois le texte frappé au clavier et à la fois le contenu de l’écran qui peut être lu par caractère, par mot, par ligne, par phrase ou dans sa totalité.

Diverses commandes, sous forme de raccourcis clavier, permettent de contrôler les mises en page (centrage, justification, sauts de page…), police, taille et couleur des caractères, attributs (gras, italique, souligné…), ainsi que de prendre connaissance des éléments ou « objets » de l’application (barre d’état, menus déroulants, liens hypertexte, tableaux…).

Si la personne connaît le braille, le lecteur d’écran peut également gérer en parallèle un « afficheur braille » - nommé aussi « plage tactile » ou « terminal braille » connecté à l’unité centrale, selon les cas, via une liaison Série, USB ou Bluetooth.

Ce type de périphérique dispose généralement de 20, 40, 65 ou 80 cellules piézoélectriques de 8 points braille qui affichent une portion de ligne de l’écran correspondante, l’utilisateur devant actionner des touches de fonction de son appareil pour se déplacer dans l’écran.

Derrière chaque cellule braille se situe un bouton dit de « routine curseur » ou « curseur éclair » qui sert à acheminer le curseur de l’application dans la cellule correspondante, notamment dans le but d’effectuer une correction dans le texte. Les mêmes boutons sont également utilisés dans les menus et boîtes de dialogue des diverses applications pour valider ou sélectionner une option, cocher une case, activer un bouton radio, etc… Leur action est alors très similaire au clic de la souris.

Certains afficheurs braille disposent en outre d’un clavier de saisie à huit touches pour pouvoir frapper les huit points utilisés en « braille informatique » ; ce clavier braille peut, dans ce cas, remplacer le clavier ordinaire « azerty » de l’ordinateur, des séquences de touches permettant de simuler toutes les touches présentes sur ce type de clavier. Il existe aussi des afficheurs braille disposant de quelques applications internes (éditeur de texte, calculatrice de base, agenda…).

Quant aux bloc-notes braille eux-mêmes, ils possèdent tous une fonction de terminal d’ordinateur ; dans ce cas ils sont utilisés en tant qu’afficheurs reproduisant le contenu de l’écran et sont pilotés comme ces derniers par le logiciel de revue d’écran.

Sur le marché francophone des aides techniques pour personnes déficientes visuelles, les lecteurs d’écran actuellement les plus utilisés sous environnement Windows sont JAWS de Freedom Scientific  qui a acquis une large suprématie sur ses concurrents), HAL ou SUPERNOVA de Dolphin, Window Eyes de HumanWare.

Des « suites logicielles » intégrant des applications bureautiques et web, d’une utilisation simplifiée, sont aussi proposées aux personnes ayant quelques réticences à aborder le domaine de la micro-informatique, de Windows et de ses applications, notamment SPEAKEY de Microvocal et GUIDE de Dolphin.

Citons encore des solutions gratuites sous licence GPL comme NVDA (Non Visual Desktop Access).

Sous Mac OS, le lecteur vocal et agrandisseur d’écran VoiceOver est livré par défaut sans supplément de prix.

Spécificités des outils informatiques dédiés aux personnes malvoyantes

Pour un utilisateur malvoyant, les moyens mis en œuvre pour prendre connaissance des informations affichées à l’écran sont très diversifiés et dépendent souvent d’une conjonction d’éléments :

  • pathologie visuelle, aptitudes personnelles à exploiter une acuité visuelle résiduelle, complexité de l’information affichée par les applications…

Les méthodes et outils d’accessibilité sont également très variés : il peut s’agir simplement d’une position de lecture et d’un éclairage ambiant adaptés, de l’utilisation d’un écran aux spécificités et aux dimensions appropriées au type de déficience visuelle, ou encore de la pratique d’aides techniques vocales similaires à celles employées par les personnes non-voyantes lorsqu’une lecture directe sur écran devient trop contraignante.

La plupart des systèmes d’exploitation intègrent aujourd’hui des fonctions élémentaires d’agrandissement d’écran (Loupe sous environnement Windows, Zoom sous Mac OS X).

Ces solutions peuvent, dans certains cas, convenir à des personnes ayant une déficience visuelle relativement légère.

Ces fonctions peuvent être couplées à une amélioration de la visibilité grâce à un affichage en contraste élevé, un agrandissement des polices de caractères pour l’affichage du texte ou un meilleur repérage du pointeur souris (options d’ergonomie).

Pour les personnes dont la malvoyance est plus importante, l’utilisation d’un logiciel d’agrandissement tel que ZoomText (AI Squared), Lunar (Dolphin), Magic (Freedom Scientific) ou iZoom (Issist Assistive Technologies), pour ne citer que les plus diffusés, augmente considérablement les fonctions d’accessibilité intégrées aux systèmes d’exploitation.

Les logiciels les plus performants permettent un agrandissement supérieur à trente fois.

Ils peuvent présenter le contenu de l’écran sous plusieurs formes (plein écran, loupe, ligne, écran partagé…), modifier très finement les couleurs d’affichage (inversion de polarité, affichage en noir et blanc, suppression ou remplacement de couleurs…), de même que faciliter le repérage des éléments mobiles à l’écran comme un pointeur souris ou un curseur de saisie.

Avec des performances sensiblement inférieures aux lecteurs d’écran dédiés plus spécifiquement aux personnes non-voyantes, ces logiciels d’agrandissement intègrent souvent un synthétiseur vocal pour une lecture des éléments textuels affichés ainsi que la prononciation des saisies effectuées au clavier.

En cas de nécessité de saisie informatique à partir d’un document papier, une loupe électronique disposant d’une connexion vers un ordinateur et d’une fonction de partage d’écran est tout indiquée ; elle permet l’usage d’un seul moniteur pour la visualisation simultanée d’un texte papier placé sous la caméra et de l’affichage informatique éventuellement traité par un logiciel d’agrandissement.

Quelle que soit la solution d’agrandissement adoptée, une difficulté demeure : l’ensemble des informations affichées ne sont plus simultanément visibles sur un écran partiellement ou totalement « zoomé », les commandes de déplacement étant d’autant plus nombreuses que le taux d’agrandissement choisi est important.

En résumé, le choix de l’équipement le mieux adapté à la personne malvoyante reste complexe.

Outre les aspects techniques de la solution, qui doit prendre en compte l’ergonomie du poste, les préférences de l’utilisateur, son acuité visuelle et ses potentialités, il convient de ne pas négliger une éventuelle fatigue visuelle que peut générer une lecture prolongée sur écran et ses éventuelles répercutions. Dans le cas de l’adaptation d’un poste de travail, le recours aux conseils d’un centre expert est fortement recommandé.

Pratique de l’informatique par les personnes non ou malvoyantes

Ce n’est pas un hasard si les personnes non ou malvoyantes sont statistiquement plus équipées en matériel informatique que les personnes valides.

En effet, grâce aux nouvelles technologies, dont le micro-ordinateur et le scanner ou la machine à lire, elles bénéficient d’une autonomie considérablement améliorée tant dans leur vie professionnelle que dans leurs activités privées.

En particulier, elles ont accès à la lecture de l’ensemble de leur courrier, peuvent rédiger un document ou une lettre en contrôlant la présentation et l’orthographe (surtout si elles possèdent un terminal braille), échanger des fichiers avec des collègues ou des amis via Internet, cartes mémoire ou clés USB, rompre leur isolement en communiquant avec d’autres via le courrier électronique, les listes de discussion, les forums, les réseaux sociaux, la téléphonie par IP, s’adonner à la lecture de magazines ou de livres, à l’écriture, à l’écoute de web radios ou chaînes de télévision, à des jeux accessibles, consulter des dictionnaires et des encyclopédies, etc…, autant d’activités qui leur étaient inaccessibles il y a encore quelques années.

Le « braille informatique »

En 1825, Louis Braille met au point son système d'écriture et de lecture pour les aveugles basé sur le principe d'une cellule de six points disposés sur deux rangées verticales de trois points.

Il a réduit les dimensions de sa cellule au minimum pour une parfaite discrimination de la forme de chaque caractère par la pulpe de l'index.

Dans ces conditions, pourquoi ajouter deux points supplémentaires lorsqu’il s’agit de lecture sur un afficheur braille ?

Le système braille permet d’obtenir 64 symboles (espace compris).

Or, ce nombre ne permet pas d’afficher tous les signes de l’écriture imprimée.

Dans le braille traditionnel à six points, l’astuce consiste à recourir à la fois à des préfixes (pour signaler la majuscule d'une lettre, la valeur numérique du signe qui suit…), et à des « symboles composés » constitués de deux (parfois trois) caractères braille.

Dans le cas d’un système informatique, l’astuce consiste à augmenter la cellule braille de base de deux points supplémentaires, appelés points 7 et 8, situés respectivement sous les points 3 et 6.

On obtient ainsi 256 combinaisons possibles (2 à la puissance 8), ce qui permet de reproduire sur l’afficheur tous les signes faisant partie d’un même « jeu de caractères ».

Ce mode d’affichage « un-pour-un » est nécessaire pour que l’utilisateur d’une plage tactile ait une représentation fidèle de la disposition du contenu de l’écran ; cette exigence est encore plus vraie lorsqu’il s’agit de contrôler certaines mises en page ou dispositions (tableaux, retraits de paragraphe, tabulations, centrages, etc.).

Toutefois, les programmes informatiques permettant d’afficher du texte en braille sont performants au point de s’adapter à tous types de besoins, une simple commande de l’afficheur braille étant suffisante pour inhiber les points inférieurs (7 et 8) et même effectuer instantanément une conversion « huit points / six points » avec réintroduction des préfixes du braille six points et affichage en « braille abrégé », comme pour un texte lu sur papier embossé.

L’utilisateur choisira l’affichage en huit points ou en six points en fonction de ses préférences et du travail à réaliser.

Informatique braille ou vocale ?

Systèmes de grossissement mis à part, les logiciels de lecture d'écran intègrent toujours au moins un synthétiseur vocal, même si, lors de l'installation, on sélectionne un périphérique braille à configurer.

En cours de fonctionnement, le lecteur d'écran envoie les informations simultanément vers la synthèse vocale et vers l'afficheur braille. Quel est l'intérêt, dès lors, pour l'utilisateur, de prendre connaissance de ces informations au moyen de ces deux supports?

Contrairement à ce que les non initiés (ou les réfractaires au braille) pourraient croire, la synthèse vocale ne remplace nullement le braille. Les deux sont en fait complémentaires.

Depuis l'apparition de l'environnement graphique (sous Windows ou Mac OS), où l'affichage à l'écran peut être complexe (apparition simultanée de "fenêtres", de cadres, d'éléments multiples informant l'utilisateur d'événements liés à l'application), la synthèse vocale présente l'avantage d'être capable de prononcer séquentiellement plusieurs parties distinctes et discontinues.

Le terminal braille, lui, ne peut afficher qu'une ligne ou partie de ligne horizontale de l'écran (selon les modèles : 20, 40, 65 ou 80 caractères consécutifs). Prenons plusieurs cas concrets :

Lors de la lecture ou de la saisie d’un texte, un certain nombre d’éléments peuvent être automatiquement prononcés par le synthétiseur vocal, selon les paramètres définis par l’utilisateur en fonction de ses besoins, tels que les changements de page, les titres, les styles, les liens, les erreurs d’orthographe, etc….

Dans une boîte de dialogue, lors d’un déplacement de champ en champ par la touche Tabulation, le synthétiseur va prononcer automatiquement le titre de la fenêtre (ex. « Enregistrer sous »), le type d’ »objet » sur lequel se positionne le focus (« Zone de liste déroulante », « Bouton », « Case à cocher »), puis l’item actuellement sélectionné. Sur la plage tactile, seul l’item sous le focus est affiché ; si l’on connaît imparfaitement le contenu de la boîte de dialogue, il faut déplacer un curseur (ou pointeur) spécifique dans l’écran pour repérer la nature de l’élément en cours de sélection.

Dans un tableur, il peut être commode d’entendre vocalement les coordonnées de la cellule en cours et de n’avoir sous les doigts que le contenu de cette cellule.

La lecture d'un document peut se faire au choix à l'aide du synthétiseur vocal aussi bien qu'avec une plage tactile.

Pour cet usage, les adeptes de la synthèse vocale ne sont pas nécessairement de mauvais utilisateurs du braille ; il s'agit surtout d'habitudes de travail, l'une ou l'autre aide technique pouvant être utilisée alternativement selon le type de texte.

Il est judicieux, par exemple, de faire lire vocalement un document tout en contrôlant sur l'afficheur braille l'orthographe de certains mots ou en vérifiant l'écriture d'abréviations ou d'expressions en langue étrangère, inévitablement mal prononcées par une synthèse de parole française.

La lecture vocale permet un accès qui peut être très rapide au contenu de l'écran, avec la faculté de "survoler" le texte selon une vitesse d'élocution réglée à sa convenance.

En contrepartie de sa rapidité, la synthèse vocale n'offre pas la précision dans la lecture que le braille, lui, permet d'une manière absolue, tout comme n'importe quel système d'écriture alphabétique.

Une plage braille éphémère permet une lecture analytique et reste irremplaçable en particulier pour toutes les fonctions offertes par un logiciel de traitement de texte (correction, suppression, insertion, déplacement de caractères, de mots, de lignes, de phrases ou de paragraphes...).

Outre cet avantage, une plage tactile donne aussi à l'opérateur non-voyant une "image" de l'écran et lui permet de détecter sous les doigts de nombreuses dispositions de texte et de mises en forme (colonnes de tableau, titre centré, retrait de paragraphe, ensemble de lignes vides, justification, alignement contre la marge de droite, caractères gras, en italique ou soulignés…).

Dans le cas d’un système vocal, il faut connaître un ensemble de commandes pour contrôler ce type de présentations.

De même, l'utilisation des boutons de "routine curseur" (qui, sur une plage tactile, sont situés en regard de chaque cellule braille) permet d'acheminer le curseur instantanément dans la cellule où l'on souhaite l'amener pour effectuer une modification ou correction.

Enfin, il va de soi qu'un dispositif de synthèse vocale ne convient pas dans les situations suivantes :

  • environnement bruyant,
  • travail effectué dans un bureau en présence de collègues,
  • personnes sourdes et aveugles.

Le braille permet une totale discrétion ; en cela, il favorise l'intégration en milieu ordinaire, contrairement à la solution du casque posé sur les oreilles (qui complique la tâche quand il faut en outre répondre au téléphone ou s'entretenir avec un collègue).

En cela, le braille est un facteur d’intégration professionnelle incontestable.

Il n'est donc pas question de concurrence, mais de complémentarité entre ces deux outils, le braille procurant la rigueur propre à l'écriture, la netteté, l'absence d'ambiguïté et la qualité du travail, la synthèse vocale constituant un précieux instrument de contrôle de l'information, de rapidité de lecture et de gain de temps dans l'exécution de nombreuses tâches.

Informatique accessible, mais à quel prix ?

Gardons-nous de considérer, comme certains discours pourraient parfois le laisser croire, que l’arrivée de la micro-informatique a résolu la plupart des problèmes qui se posent aux personnes déficientes visuelles.

De nombreux obstacles limitent, voire interdisent l’utilisation de certains outils.

En premier lieu, il faut rappeler que les équipements adaptés coûtent cher et que, en particulier, le coût des terminaux braille (situé en général entre 4000 et 10000 €) en fait un produit de luxe réservé dans une majorité des cas à un usage professionnel.

Les particuliers, eux, doivent se contenter d’un système de synthèse vocale et perdent ainsi le bénéfice de la lecture tactile qui apporte la rigueur et la précision dans son travail.

Ne perdons pas de vue, non plus, que les deux tiers des personnes déficientes visuelles sont âgées de plus de 65 ans, ce qui signifie qu’une très faible proportion d’entre elles utilisent ou utiliseront un micro-ordinateur, d’une part à cause de l’investissement financier à prévoir, d’autre part du fait de la difficulté à trouver une structure de formation et de suivi proche de leur domicile.

Encore ne parlons-nous ici que des personnes non ou malvoyantes vivant dans les pays économiquement avancés ; dans les pays en voie de développement, il faudra sans doute attendre encore longtemps pour que la traditionnelle tablette braille, le poinçon et le papier soient remplacés par un micro-ordinateur adapté.

Les systèmes Windows ou Mac OS sont avant tout des interfaces graphiques se voulant intuitives pour les personnes voyantes utilisant une souris.

Or, la multiplicité des zones d’écran, les jeux de couleurs, de polices et d’attributs, les nombreux « objets » affichés simultanément posent des problèmes de conceptualisation mentale par un non-voyant qui ne dispose que de 40 cellules braille – ou, le plus souvent, d’un simple synthétiseur vocal - pour en prendre connaissance.

De surcroît, l’utilisateur doit mémoriser une quantité impressionnante de commandes à effectuer au clavier propres à la fois à l’application en cours et à son système de lecture d’écran, alors que la personne voyante se contente de cliquer sur les zones de l’écran adéquates.

Les évolutions technologiques sont telles qu’une configuration matérielle ou logicielle devient très vite obsolète et oblige l’utilisateur à acquérir de nouveaux équipements par souci de compatibilité.

Il en est ainsi pour tous les produits de l’informatique : une nouvelle version de Windows est mise sur le marché, il faut attendre une nouvelle version du lecteur d’écran pour pouvoir l’utiliser.

Une nouvelle version « Office » voit ensuite le jour, il faut à nouveau acquérir la mise à jour suivante du lecteur d’écran…

Quant à l’accessibilité d’Internet, en dépit de réelles améliorations grâce à une législation américaine contraignante (« Web Accessibility Initiative ») – et dont certains pays se sont inspirés (par exemple, en France, le « Référentiel Général d’Accessibilité des Administrations »), bien des progrès restent à accomplir, en particulier pour les sites web des entreprises.

En dépit de toutes les difficultés évoquées plus haut, l’utilisation d’un équipement informatique représente pour les personnes non ou malvoyantes une véritable révolution qui leur apporte une autonomie incomparable dans leur accès à la culture et aux loisirs, de même que dans leur vie quotidienne et leur activité professionnelle.