L'essentiel
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Lieux :
Paris
France - Description : Compte-rendu du webinaire organisé par la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France (FAAF).
Introduction
En pleine SEEPH, la FAAF a choisi de faire le point sur l’accessibilité numérique des universités en France. En effet, la formation est un prérequis nécessaire pour l’accès à l’emploi. Bruno Gendron, président de la Fédération des aveugles et amblyopes de France, parle au nom des usagers de l’association et annonce “quoi de plus important en termes de citoyenneté que d’obtenir et de se maintenir dans l’emploi ?” L’autonomie des personnes déficientes visuelles et soumises à rudes épreuves dans l’environnement numérique. Avec la digitalisation de notre société, c’est évidemment un frein majeur dans l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. On considère que 50% des déficients visuels en âge de travailler sont sans emplois. Au regard du reste de la population cette situation est alarmante.
On sait que l’employabilité d’une personne, que ce soit en phase de recrutement aussi bien qu’au cours de sa carrière professionnelle, dépend essentiellement du niveau de formation initiale ainsi que de la capacité à se former au cours du temps. Il est donc logique de s’intéresser à un des piliers de la formation qu’est l’université. En mai 2022, la FAAF a analysé 59 sites web d’universités françaises (qui en tant que site web publics sont soumise au RGAA) et seulement 2 d’entre-elles avaient publié un Schéma Pluriannuel d’Accessibilité Numérique (SPAN). Il y a donc beaucoup de lacunes, ou bien beaucoup de possibilité d’amélioration, si l’on souhaite être constructif. En organisant ce webinaire, la FAAF souhaite apporter un éclairage positif sur les démarches en cours au sein des universités et s’engage à les accompagner dans leurs différents parcours.
Anne-Sophie, étudiante déficiente visuelle témoigne
Le webinaire commençait avec le témoignage d’Anne-Sophie, déficiente visuelle en reconversion professionnelle, actuellement étudiante en master 2 Intervention et développement social de l’université de Marseille Saint-Charles. Ce témoignage très intéressant présente très concrètement les difficultés d’accessibilité numérique auxquelles les étudiants en situation de handicap visuel sont confrontés quotidiennement. Chaque étape de la vie étudiante présente des difficultés : l’inscription, le choix des cours, l’accès à l’emploi du temps, les évaluations, l’accès aux ressources documentaires (contenus des cours, sources bilbliograhiques).
Heureusement elle a pu bénéficier de l’aide de certains enseignants et personnels administratifs mais la notion d’autonomie reste un vœu pieux. Elle remarque que lorsqu’un étudiant voyant met 20 minutes à prendre connaissance d’un document, elle a besoin de 2h30 à 3h de temps ! Cela lui prend énormément d’énergie et en laisse moins pour se consacrer pleinement à ses études. Elle a également parlé de se difficulté d’accès aux services de la bibliothèque universitaire et a vanté les mérites de la plateforme Cairn.info (référent dans la diffusion et la publication de revues universitaires dans le domaine des sciences humaines).
L'accessibilité, une évolution stratégique
La table ronde présente ensuite les démarches de 4 universités : Angers, Orléans, Bordeaux et La Réunion.
Julie Charles de l’université d’Angers, présente les efforts de de la Direction numérique pour accompagner les enseignants dans la production de supports de cours accessibles. Il s’agit d’une initiative stratégique de la direction qui se déploie dans tous les services concernés. Elle travaille ainsi avec les :
- Service d’appui à la pédagogie (LabUA),
- la Direction de la communication (dans une démarche de refonte de la charte graphique),
- le Service des usages du numériques (intégration et développement de nouvelles applications, mise en place de référentiels de données pour utilisation inter-applications)
- et la Bibliothèque universitaire (ressources documentaires).
Une formation indispensable
Fabienne Méducin, de l’université d’Orléans, présente le parcours de formation obligatoire qui a été mis en place à destination de tous les enseignants-chercheurs. L’objectif étant de proposer des supports de cours accessibles aux étudiants. Elle rappelle que la formation sur la base du volontariat ne fonctionne pas. Non pas parce que les enseignants seraient insensibles mais plutôt pour des raisons de temps disponibles. C’est donc à l’université de leur accorder ce temps de formation dans leur parcours d’intégration ou en formation continue. Ces formations sont aussi adressées aux personnels administratifs selon la volonté des encadrants. L'objectifs étant de construire une culture commune sur l’accessibilité.
Une démarche de sensibilisation qui s'appuie sur l’expérience utilisateur
Pierre Reynaud, de l’université de la Réunion, présente ensuite une démarche intéressante de rédaction du SPAN (merci à lui pour cet acronyme bien pratique). Ils ont eu la volonté de co-construire leur SPAN avec tous les acteurs et usagers de l’université : étudiants, RH, enseignants, personnels administratifs, service des achats, direction financière, direction... Après avoir fait un état des lieux avec les répresentants de tous ces services ou groupes d’usagers, ils ont élaboré un SPAN “Hors-Sol” - celui qu’ils pourraient mettre en place dans un monde idéal - et l’ont chiffré à plus d’1 million d’euros. Ce budget n’étant pas disponible, car les démarches de mise en accessibilité nos sont pas financées à cette hauteur-là, ils ont travaillé sur un scénario priorisé en se rapprochant de l’expérience utilisateur. Ils ont estimé qu’il y avait là une urgence sociale. Ils se sont donc engagés à rendre accessibles toutes les étapes d’un parcours étudiant:
- Offre de formation
- Inscription
- Emploi du temps
- Examen et évaluation
- Consultation du dossier scolaire
Par ailleurs, la construction du SPAN s'est révélé un outil de sensibilisation très efficace, impliquant tous les acteurs de l’université. Il a aussi permis d’établir un dialogue budgétaire avec la Direction.
L’accessibilité comme critère essentiel de qualité
Endjy Gerchet, de l’université de Bordeaux, rappelle qu’il est indispensable d’intégrer les exigences de l’accessibilité numérique dans le cœur de métier des universités. Cela commence par le service des achats et marchés publics en exigeant des fournisseurs qu’ils respectent fournissent des services et prestations accessibles. Cela nécessite également d’introduire une notion assez inhabituelle dans l’université et le service public qui est : le contrôle qualité.
De nos jours, la sécurité numérique est un des éléments essentiels sur lesquels se concentrent les cahiers des charges lorsqu’il s’agit de développer ou d’intégrer une solution numérique. Il faut œuvrer pour que l’accessibilité soit traitée avec le même sérieux et la même importance. Cependant, les universités n’ayant pas, pour la plupart, la maîtrise d’œuvre sur la production de leurs outils numérique (progiciels métiers, plateformes administratives, sites web...), il est indispensable qu’elles se fédèrent afin de pouvoir avoir davantage de poids sur cet axe.
Les 5 piliers de l’accessibilité numérique
- Acculturer, former, informer;
- Faire un état des lieux, auditer, tester, évaluer, suivre et contrôler;
- Volonté politique forte et soutien de la gouvernance;
- Chef d’orchestre, référent accessibilité numérique;
- Se donner les moyens humains, techniques et financiers.
Perspectives
Le métier de référent en accessibilité numérique n’existe pas encore, pas de réalité administrative. Dette technique abyssale et travail titanesque. Il ne faut pas rester seul et fonctionner en réseau avec les autres référents en accessibilité numérique pour échanger et construire ensemble. Par exemple au sein de l’ANSTIA qui va mettre en place un groupe de travail autour de l’accessibilité numérique.
https://www.anstia.fr/page/1400082-accueil
Les premières Journées de l’accessibilité universelle se tiendront à l’université de la Réunion le 12 et 13 décembre prochain. Vous pouvez y assister en vous inscrivant grâce au lien suivant :
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSesHB3AzNHDmsExDqsUpZHN-XakV8UEz5Gkz0vt0RwDkbLMEA/viewform
Les universités de la Réunion et de Bordeaux travaillent actuellement à la création du premier diplôme interuniversitaire de référent en accessibilité numérique pour 2023.
L’université de Laval est citée comme référence en tant qu’expérimentateur de parcours de formations pour les enseignants-chercheurs. Ils ont une méthodologie en pédagogie inclusive qui est très inspirante.
Rappelons que le respect des critères d’accessibilité numérique implique de mettre en place une méthode de travail commune et structurée qui sera toujours au service de la transmission des connaissances, quelle que soit la situation du public concerné.