Le colloque A11Y Paris du 11 mai 2022 sur l’accessibilité numérique

L'essentiel

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    Studio 104 de la Maison de la Radio et de la Musique, 116 Av. du Président Kennedy
    75016 PARIS
    France

  • Description : Le sigle A11Y est un sigle international qui désigne l’accessibilité : le mot anglais « accessibility » commence par un « a », se termine par un « y » et comporte 11 lettres entre ce « a » et ce « y ». Le 11 mai dernier, à l’initiative du pôle accessibilité de l’association Valentin Haüy et de la société Tanaguru, s’est tenu le 3ème colloque A11Y Paris sur l’accessibilité numérique (les deux précédents avaient eu lieu en 2018 et 2019). La fondation Valentin Haüy, la société ATOS et la caisse des dépôts et consignations étaient les principaux partenaires de cette manifestation. Ce colloque s’est déroulé pendant l’après-midi au studio 104 de la Maison de la Radio et de la Musique à Paris et a regroupé près de 400 personnes, utilisateurs comme professionnels. C’est la première fois que nous arrivons à réunir autant de monde sur un tel sujet, ce qui nous laisse espérer que nos autorités politiques accepteront de nous écouter afin de mettre en œuvre une société plus inclusive. Notre président, Sylvain Nivard, s’est réjoui de cette affluence lors de la conclusion du colloque. Les quatre tables rondes proposées ont permis aux professionnels et aux utilisateurs de dialoguer, parfois vivement mais toujours dans un esprit constructif.

Première table ronde – état des lieux de l’accessibilité numérique en France

Cette table ronde réunissait Marine Boudeau, haute fonctionnaire en charge du handicap à la direction interministérielle du numérique (DINUM) et Fernando Pinto da Silva, vice-président de la commission accessibilité du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Actuellement, seulement 4 à 5 % des sites Web français sont accessibles. En ce qui concerne les sites publics, bien que leur accessibilité soit prévue par la loi de 2005 et que tous les sites publics auraient dû être accessibles dès 2012, nous sommes encore loin du compte. En 2021, la DINUM a mené des actions de sensibilisation sur l'accessibilité numérique, en 2022, elle a organisé des ateliers de mise en conformité. Néanmoins, pour le CNCPH, les choses ne vont pas assez vite.

Une discussion avec la salle s’en est suivie et quelques exemples éloquents de sites non ou partiellement accessibles ont été soumis à madame Boudeau : impossible de faire sa déclaration de revenus dès que l’on sort des « sentiers battus » ; et que penser du site « mon espace santé », ouvert au public depuis quelques mois par le Ministère des Affaires Sociales, dont le niveau d’accessibilité est « non conforme » et qui n’a fait l’objet d’aucun audit d’accessibilité ?

Seconde table ronde - retour d’expérience des utilisateurs

Au cours de cette table ronde, les utilisateurs ont pu exprimer leur désarroi. En premier lieu, les notions de déclaration d’accessibilité, de schéma pluriannuel de mise en accessibilité et de taux de conformité sont difficiles à comprendre lorsqu’on n’y est pas familiarisé. En second lieu, les utilisateurs ne peuvent que déplorer le manque d’accessibilité des sites Web en France. L’une des intervenantes réagit sur Twitter, en espérant être lue par les responsables des sites en question. Une vive discussion a eu lieu à propos du site Doctolib : des représentants de cette société étaient présents dans la salle, ils ont accepté les critiques avec beaucoup de compréhension et se sont engagés à améliorer l’accessibilité du site.

Troisième table ronde - retour d’expérience sur le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA)

Il s’agissait de la table ronde la plus technique de l’après-midi. Disons pour résumer qu’il est nécessaire de définir un taux de conformité au RGAA sur lequel tout le monde peut s’accorder (nombre de critères du RGAA respectés dans le site / nombre total de critères du RGAA). Un site est déclaré « non conforme » si son taux de conformité est inférieur à 50 % ; de 50 % à moins de 100 %, il est « partiellement conforme » ; il est « totalement conforme » si son taux de conformité est de 100 %.

Le RGAA est un très bon outil d’évaluation de l’accessibilité d’un site Web. Néanmoins, un site peut être « totalement conforme » et présenter des problèmes d’accessibilité. Des tests d’utilisateurs, à réaliser à partir de 100 % de taux de conformité, devraient être effectués systématiquement. Ces tests permettraient notamment de pointer les problèmes d’accessibilité pour lesquels les utilisateurs n’ont aucune solution (erreurs critiques).

Qu’en est-il d’un référentiel d’accessibilité des applications mobiles ? Il existe un référentiel édité au Luxembourg, utilisé par plusieurs acteurs en France. Il semblerait que la DINUM prépare un référentiel français.

Quatrième table ronde - état des lieux de l’accessibilité dans quelques pays étrangers

Au Canada comme aux USA, il existe des lois au niveau fédéral et d'autres au niveau local, ce qui aboutit à des situations différentes suivant les provinces ou les états concernant l’accessibilité numérique. À la suite d'un procès pour discrimination qui a duré 3 ans avec une très forte couverture médiatique, les sites publics canadiens sont généralement accessibles et on peut signaler un problème sur chaque page d’un site. 

De très nombreux procès pour discrimination ont également eu lieu aux USA, ce qui a abouti à la mise en place d’une instance de concertation. De manière générale, les sites publics américains sont accessibles. Par contre, il n’existe pas de règlementation concernant l’accessibilité des sites privés.

Au Royaume-Uni, le Royal National Institute for Blind people (RNIB) est attentif à l'accessibilité des sites web. Son slogan est « see differently ». Le gouvernement se préoccupe de l’accessibilité des sites publics depuis 2004 (beaucoup plus tôt qu’en France).

Les Pays-Bas ont adopté une approche intéressante qui consiste à publier les résultats des audits d’accessibilité des sites Web publics. Il existe 5 niveaux d'accessibilité avec un plan d'action à appliquer pour chaque niveau. Ce pays a également mis en place un système de contrôle et de suivi des défauts d'accessibilité.

Au niveau de l'Union Européenne, les états membres doivent respecter la directive de 2015 mais c'est un minimum, chaque état peut mettre en œuvre d'autres mesures. Le rapport sur le bilan de l'accessibilité dans les différents pays, prévu à la suite de la mise en œuvre de cette directive, est presque prêt (la France et Chypres ne l'ont pas encore rendu). 

Enfin, au sein du consortium du Web (W3C), les utilisateurs et les associations peuvent s'affilier à un groupe de pression pour améliorer l’accessibilité du Web dans les différents pays.

En conclusion

Tous les participants se sont accordés à penser qu’il nous faut montrer au public comme à nos autorités politiques que les problèmes d’accessibilité du Web font partie de notre vie quotidienne ; c’est par une collaboration entre les utilisateurs, les entreprises, les associations et les pouvoirs publics que nous arriverons à régler ces problèmes.

Nous ne pouvons que nous réjouir du succès de ce colloque, en espérant qu’il sera au moins aussi réussi l’année prochaine.

Si vous voulez retrouver le programme détaillé de ce colloque avec le nom de tous les intervenants ou écouter l’enregistrement des différentes tables rondes, rendez-vous sur le site a11y Paris.

Laurence de Roquefeuil