Accessibility by design : comment embarquer les designers ?

L'essentiel

Photo de Romy Duhem-Verdière
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    Villejuif
    France

  • Description : Romy Duhem-Verdière est designer UX et coach a11y chez OCTO Technology. Elle partage également ses réflexions professionnelles sur son site : http://romy.tetue.net/ Elle présentait une conférence à l’occasion du dernier salon ParisWeb qui se tenait du 6 au 8 octobre à Villejuif.

Introduction

L’accessibilité est une démarche active qui permet à tous les utilisateurs d’accéder au numérique quels que soient leurs usages et leur situation personnelle. 

Il s’agit d’une préoccupation originelle qui était présente dès le début du web. Les critères d’accessibilité sont définis par une norme internationale (WCAG) et encadrés par des lois (depuis 2005 pour les administrations et 2019 pour certaines entreprises du secteur public). 

La technique est mature et il existe beaucoup de ressources sur lesquelles s’appuyer. 

Comme il est fastidieux et onéreux d’intégrer les critères d’accessibilité de manière corrective, il est nécessaire d’avoir une démarche de design accessible.

Le rôle des designers

Les designers portent la parole des utilisateurs et interviennent au début du process. Ils sont donc destinés à porter la démarche d’accessibilité tout au long de la production et à embarquer les équipes avec eux. 

Une petite définition du design : il s’agit d’observer les utilisateurs pour comprendre leurs besoins et problématiques, concevoir une solution pour y répondre, mettre en place un prototype et le tester. 

Qui sont les utilisateurs du numérique ? Les connaissons-nous ? Pour qui concevons-nous les solutions et qui sont les utilisateurs qui en seront exclus ? Autant de questions qu’un designer doit se poser en amont de tout projet. 

Il faut accepter que nous ayons des préjugés inconscients et qu’il nous faut chercher d’autres points de vue afin de pouvoir les dépasser.

Qui les utilisateurs, quels sont leurs besoins ?

Parmi les utilisateurs potentiels, 1/3 se déclarent à l’aise avec les usages du numérique et 1/3 en sont exclus ou éloignés (accès limité au réseau ou au matériel). Sur le 33% restant, nombreux sont ceux pour qui la conception des interfaces rend leur accès impossible ou difficile aux informations et services. Ce sont ces utilisateurs qui sont concernés par l’accessibilité. 

Il y a une diversité d’utilisateurs potentiels, on ne pourra pas tous les identifier (d’autant qu’il est impossible de distinguer les usages liés au handicap dans les statistiques du web) mais il y aura forcément des utilisateurs en situation de handicap.  

Rappelons que 80% des handicaps sont invisibles et qu’ils s’expriment de manières différentes. Nous pouvons distinguer 3 situations de handicap : permanent, temporaire ou situationnel. 

A titre d’exemple, concernant l’exigence du FALC (Facile à Lire et à Comprendre), il répond aux besoins des personnes en situation de troubles cognitifs (handicap permanent), ainsi qu’aux besoin des personnes ayant une maîtrise partielle du français (handicap temporaire) ou aux besoins d’une personne pressée et en situation de stress (handicap situationnel). 

Encore un exemple, une personne valide ayant besoin de consulter un site avec beaucoup d’images mais ne disposant pas d’une bonne connexion, sera aussi démunie qu’une personne aveugle si aucune alternative textuelle aux images n’a été prévue dans le design du site ou de l’application. 

Si l’on conçoit une solution qui répond aux besoins des personnes en situation de handicap permanent, on couvrira forcément les besoins des autres utilisateurs, quelles que soient leur situation personnelle.

Quels sont les usages des utilisateurs ?

Une même page web pourra être adaptée aux usages des utilisateurs (ou bien d’un même utilisateur à différents moments de sa journée ou de sa vie). Il est important que la conception du site ou de l’application permette à l’utilisateur de pouvoir lui-même changer la police, le corps ou l’espacement entre les caractères. 

De même, il faut pouvoir proposer différentes solutions de présentation de l’information, par exemple : une mise en page avec des contrastes augmentés (mal-voyant ou luminosité faible) ainsi qu’un mode lecture où seul le texte de l’article s’affiche, évitant toute distraction dans la lecture (tdah ou difficulté de concentration passagère). 

Il faut être curieux de la manière dont les utilisateurs accèdent aux interfaces. Souvent on pense au visuel et à ses différents supports (écrans, tablettes, smartphone, montre connectée...) mais il y a d’autres médiums qui permettent l’accès aux informations et services portés par les interfaces. 

Certains usages ne s’attachent qu’au texte écrit : traduction à la volée, référencement naturel ou tablette de lecture (Kobo).D’autres se concentrent sur une restitution sonore : logiciel de lecture d’écran et enceintes connectées. Enfin, il y a également des restitutions physiques avec les plages braille notamment. 

Les designers peuvent être définis comme les auteurs d’une partition que les utilisateurs déchiffrent avec autant d’instruments de musiques différents. 

Les utilisateurs ne sont pas toujours en contact directs avec l’interface. Souvent, il va y avoir des aides techniques (sous formes de logiciel ou de matériel adapté) qui vont adapter l’interface aux besoins des utilisateurs. Compte tenu de la diversité des interfaces, des utilisateurs et des aides techniques, il existe une multiplicité de contextes d’usages.

Un design inclusif

15% de la population mondiale est en situation de handicap permanent, il s’agit de la plus grande minorité au monde. 

En France, 20% de la population est en situation de handicap permanent. Si on prend en compte les personnes en situation de handicap temporaire, cela représente près de 40% de la population, soit 2 personnes sur 5 ou 28 millions de Français. Ces chiffres augmentent en même temps que la population vieillit. 

Ces chiffres ne comptent pas les personnes en situation de fractures numérique car elles ne disposent pas des compétences ou des moyens matériels pour accéder aux biens et services du web. Selon l’INSEE, 17 % (ou 13 millions) de la population française est en situation d’illectronisme, soit l’inaptitude d’un individu à utiliser les outils électroniques du quotidien. 

Pour prendre en compte cette réalité et cette diversité des utilisateurs et de leurs besoins, il faut prévoir des personas inclusives comportant des handicap permanents ou temporaires (daltonisme, fracture du bras, dyslexie, cécité, alzheimer...) 

En reconnaissant l’exclusion, en apprenant de la diversité cela permet de concevoir pour une personne avec des besoins ou contraintes spécifiques pour pouvoir l’étendre à des millions d’utilisateurs. 

Romy Duhem-Verdière nous donne quelques exemples d’outils du quotidien qui avaient initialement été conçus pour des utilisateurs en situation de handicap : télécommande, mitigeur, portes automatiques...

Méthode de travail

Romy Duhem-Verdière propose de travailler en réunion tripartite (ou 3 amigas) pour chaque sujet. Sont réunis le designer, les développeurs et le client. Le designer présentant rapidement son projet avec les notions d’accessibilité avant de laisser la parole pour un moment de questions/réponses et s’assurer de la faisabilité technique. 

L’accessibilité ça se manipule !  

Il faut prévoir du travail en Live Design avec des tests en situation. On peut ensuite passer à l’étape de la recette avant de faire un audit RGAA en faisant des tests avec un logiciel de synthèse vocale en parallèle.  

C’est seulement après toutes ces étapes que l’on pourra inclure des personnes en situation de handicap dans les panels de testeurs de manière à améliorer l’expérience utilisateur.

Ressources pour designers et développeurs

Notices AcceDe Web 

https://www.accede-web.com/notices/ 

Design accessible checklist 

https://design-accessible.fr/checklist